L’envie de créer une pièce sur le sujet de la psycho maniaco
dépression notamment sur la relation d’un proche qui vit avec une personne
bipolaire me hante depuis des années…
Quand j’ai commencé l’écriture de « Emoi, Hais moi, Et
moi… », je me suis attachée à développer la structure dramatique et les
dialogues, mais les mots me sont apparus comme manquant de puissance pour
exprimer la complexité des situations et la confusion des perceptions de cette
maladie « des émotions ». J’ai eu besoin de la matérialiser en
utilisant différents langages, cela permet l’exacerbation des sentiments et
démultiplie l’intensité des émotions vécues par Tiziana et sa mère.
La mère est interprétée à la fois par une comédienne et une
danseuse qui est « sa maladie », un fil invisible les relient, elles
fonctionnent toujours ensemble, elles sont à la fois siamoises et un corps
étranger l’une à l’autre. Des phrases, des accentuations physiques et vocales
ponctuées par la danseuse vont amplifier les états émotionnels de la mère et
parasiter sa relation avec sa fille. La danse donne à voir ce qui affecte le
mental de la mère, elle amène un décalage et ajoute une dimension poétique aux
dialogues qui sont directs, simples et parfois crus. Dans les traits de la mère
et sa maladie pointe l’humour, en opposition aux situations tragiques, autant
pour prendre une certaine distance que pour illustrer les paradoxes de cette
maladie.
Tiziana ne voit pas la bipolarité de sa mère, elle la
« ressent » ce qui renforce l’incompréhension des sentiments qu’elle
éprouve et le combat qu’elle mène face aux agissements inappropriés de sa mère.
Elle porte la raison, c’est elle, l’adulte, elle tente de ramener sa mère à ici
et maintenant par ses mots et son amour de fille. J’ai associé la dimension du
chant au personnage de Tiziana car il est l’expression directe de son être, son
unique réconfort. Il symbolise aussi le lien inconscient et imaginaire qu’elle
entretient avec ce père inconnu venu d’un autre pays. Il y a un écho entre la
recherche de liberté de Tiziana et les errances mentales de sa mère. Basculée,
bousculée dans son quotidien, elle est confrontée à ses propres limites
émotionnelles et doit s’adapter en permanence face à cette mère pas comme les
autres.
L’expérience de la bipolarité dans une vie conduit à
inventer un rapport à soi et à l’autre, différent. Elle fait basculer dans un
monde inconnu et insaisissable. Comment alors comprendre ce qui ne l’est pas?
Comment admettre ou rejeter son impuissance face à la situation? Comment
avancer sur le fil de sa vie ? Comment exprimer ses émotions ? Comment (s’) aimer?
Elodie Franques
Commentaires
Enregistrer un commentaire